Les montagnes russes de L’Indien
Il y a un mois jour pour jour, Yannick Bestaven et Maître CoQ quittaient les Sables d’Olonne pour s’élancer à la (re)conquête du globe. Après 30 jours de course, le skipper rochelais reste toujours bien positionné, au neuvième rang de la flotte du Vendée Globe à proximité de cinq concurrents. Le tenant du titre devrait atteindre le Cap Leeuwin, au sud de l’Australie, porte de sortie de l’océan Indien et d’entrée vers le Pacifique, dans la nuit de mercredi à jeudi.
Les mers du sud déçoivent rarement. Attendues par tous les marins pour les émotions qu’elles génèrent mais aussi redoutées pour tous les dangers qu’elles impliquent, ces mers poussent les navigateurs et leurs bateaux parfois au-delà de leurs limites. Engagés dans l’océan Indien depuis plusieurs jours, Maître CoQ V et Yannick Bestaven en sont les témoins « privilégiés ». Après une première grosse dépression en fin de semaine dernière, puis un léger retour à un calme relatif, ils affrontent à nouveau des conditions extrêmes avec des rafales pouvant aller jusqu’à 50 nœuds. « Le vent n’arrête pas de changer, c’est compliqué de trouver le bon réglage, explique Yannick. C’est dur aussi de dormir et quand on y parvient ce n’est jamais du très bon sommeil. J’ai l’impression que les conditions de mer se calment un petit peu ce matin, j’ai pu renvoyer un peu de toile, mais je touche encore 30 noeuds de vent quand même. Cela devrait se calmer dans les prochaines heures. Ce qui est difficile depuis deux jours, c’est de réussir à faire avancer correctement le bateau. La mer est très croisée ce qui fait faire de gros plantés à Maître CoQ V, je passe de 30 à 15 noeuds quand je « plante », ce qui donne des vitesses moyennes qui ne sont pas très bonnes. Mais ces conditions font surtout souffrir les pièces du bateau. Il faut trouver le bon compromis. Il y a un gros couloir de dépression qui s’est ouvert et qui se succède derrière nous, cela nous permet d’avancer vite quand on est à l’avant du front. Le jeu c’est de ne pas trop se faire rattraper par les dépressions au risque de tomber dans les anticyclones qui sont derrière. Ce n’est pas de tout repos. »
De la fatigue pour Yannick mais aussi quelques problèmes techniques à régler sur Maître CoQ V. Heureusement sans trop de conséquences.
« Samedi, un point d’amure de gennaker a cassé et la voile de devant s’est retrouvée derrière le mât en battant furieusement. Heureusement, je m’étais entraîné à ce type de situation et j’ai réussi à récupérer la voile, sans qu’il n’y ait trop de dégâts. Je peux à nouveau m’en servir avec un deuxième point d’amure. Quand les conditions seront un peu plus calmes, je pourrai réparer celle qui est cassée. Mais cela m’a quand même obligé à ralentir carrément une petite heure, le temps de tout remettre en sécurité. »
Lors de la première grosse dépression rencontrée la semaine dernière, Yannick avait déjà dû faire preuve de sang froid et réagir en urgence. « Cela a été un peu rock’n’roll, confirme le skipper. Au début du front, ça allait vite avec une mer plutôt rangée. Il y a eu pas mal de manœuvres, des pointes à 35 nœuds et même pas loin des 40, des changements de voile. C’était un peu usant. J’avais décidé de dormir un peu avant le lever du jour. Pendant que je dormais paisiblement, le front m’est passé dessus. Le bateau s’est couché. Je me suis retrouvé à l’envers, avec de l’eau dans le cockpit jusqu’aux chevilles, le mât dans l’eau, bref tout ce qu’on aime ! Il faut garder son sang-froid. Ce n’est pas les réveils les plus sympas. Il a fallu remettre le bateau à l’endroit en faisant attention de ne rien casser. C’était un bon avertissement. J’ai bien fait attention, j’ai bordé la grand-voile et ça s’est plutôt bien passé. Une fois le front passé, il a fait grand beau. Mais il a fallu faire avancer le bateau dans des conditions difficiles. C’était les montagnes russes. La mer était défoncée pourtant elle n’était pas très grosse avec des vagues de 3,50 mais dans tous les sens. Il fallait bien réguler la vitesse du bateau pour ne pas planter. Ça montait, ça descendait, ça accélérait, ça décélérait. Ça a duré toute la journée. Amateurs de sensations fortes, l’IMOCA dans les mers du sud, dans l’océan Indien, au portant, avec 35 nœuds, c’est l’idéal. C’est la foire du Trône en direct de Maître CoQ V ! »
Le grand manège n’en est encore qu’à ses débuts. Maître CoQ V et Yannick devraient atteindre le Cap Leeuwin dans la nuit de mercredi à jeudi. Débutera alors la longue traversée de l’océan Pacifique.
Le zoom de la semaine : Le Cap Leeuwin. Installé au Sud-Ouest de l’Australie, le phare du Cap Leeuwin marque la fin de l’Océan Indien et l’entrée dans l’Océan Austral. C’est le deuxième cap que les skippers du Vendée Globe doivent laisser à bâbord. Ce passage est symbolique car en réalité Yannick et le reste de la flotte ne le verront pas, passant à plusieurs centaines de kilomètres au large de ce cap.
Suivez la course de Yannick grâce à la cartographie, juste ici : https://www.maitrecoq.fr/lesprit-voile/les-courses/cartographie-du-vendee-globe/